Mesdames, messieurs, j'ai décidé de lancer une rubrique spéciale propos sexistes tenus par des psys ou des étudiants en psycho. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas anecdotique ni sans conséquence. Parce que vous n'imaginez (peut être) pas à quel point c'est fréquent et la gravité de ce qui est dit. Parce que malgré ce que certains prétendent, cela affecte leur pratique, au détriment de l'intérêt des patients.
J'ai entendu une psy dire en consultation à une jeune femme battue qu'elle "pourrait essayer de parler plus gentiment à son conjoint", puis quand elle est partie, m'a dit à moi "qu'elle devait vraiment bien le pousser à bout".
J'ai entendu les professionnelles encadrantes d'un groupe travaillant sur l'acceptation de son corps dire aux femmes qu'elles "ne devaient pas être vulgaires" et qu'elles "devaient s'épiler pour être féminines".
J'ai entendu une psy me raconter avoir passé une consultation à réprimander une de ses patientes "qui était vraiment habillée comme une..." et à lui expliquer qu'il fallait qu'elle "respecte son corps" et qu'elle ait conscience que dans cette tenue "elle provoquait les hommes".
Je n'ai pas entendu mes profs nous parler d'homosexualité, d'homoparentalité et de transidentité d'une manière non pathologique (à 3 exceptions près seulement).
Et j'en ai lu et entendu d'autres, des vertes et des pas mûres comme on dit.
Alors voilà.
A partir de maintenant je vous livrerais les prochaines perles sexistes que je vois ou j'entends, et je les décortiquerais, afin que ce soit un peu constructif tout ça !
Et pour débuter en beauté, voici un sacré spécimen, vous m'en direz des nouvelles.
Monsieur est psychologue, car nous sommes sur un groupe fermé destiné uniquement à ce public. Il parle dans ce commentaire des "nouvelles féministes", les "féministes extrêmistes" (whatever the fuck that means) et comme vous le voyez, il a beaucoup à dire.
Monsieur est psychologue, car nous sommes sur un groupe fermé destiné uniquement à ce public. Il parle dans ce commentaire des "nouvelles féministes", les "féministes extrêmistes" (whatever the fuck that means) et comme vous le voyez, il a beaucoup à dire.
Soufflez un coup et on repart. Vraiment prenez le temps de souffler, d'assimiler que c'est un psy qui parle et tout et tout, parce qu'on n'est pas au bout de nos peines.
On va faire du point par point parce que c'est du lourd.
Et bien à les entendre, il y aurait partout des hommes prêts à asseoir leur domination patriarcale et à les bifler de leurs privilèges de mâles hétéro cisgenre aussitôt qu'elles sortiraient leurs nichons dans la rue. Des hommes vicieux, prêts à les harceler, à les agresser sexuellement, à leur tenir des propos salaces, à les violer, qui du regard, qui physiquement. (...) Personnellement, j'habite une grande ville que j'ai parcouru en long en large et en travers. J'ai pris les bus et métros quasi quotidiennement pendant des années, sans jamais assister à quelque agression que ce soit. J'ai arpenté les rues à toute heure du jour et de la nuit sans assister à la moindre incivilité de cette nature.
Bouuuuh les vilaines féministes qui diabolisent les hommes et s'inventent des agressions ! Oui, elles inventent parce que lui voyez vous il n'a rien vu. Donc c'est forcément dans leur tête que ça se passe.
Ah au temps pour moi ! Il n'a pas dit que ça n'existait pas !!! Mais comme il n'a rien vu, il ne peut pas confirmer les propos des féminazies, et puis c'est important que lui, personnellement, confirme qu'un truc existe. Qu'importe les statistiques ou les témoignages par milliers. Monsieur le psy a le dernier mot quant à ce qui est réel ou non, ce qui est extrême ou non, ceux qui comprennent la vie ou non.
Au passage vous noterez l'utilisation d'un vocabulaire tout à fait compatible avec les valeurs de la psychologie : la bienveillance, le respect, l'écoute, l'empathie...
Mais passons parce qu'on n'est plus à ça près.
Qu'est-ce qu'il nous dit d'autre ?
Je pense que cela relève de leurs fantasmes et ça n'est pas sans m'évoquer un retour de la théorie freudienne de la séduction. Elles déplaceraient ainsi l'image du Père en général, sur les hommes qui tenteraient tous de les « séduire ».
Et bien oui, vautrons nous dans l'indécence et utilisons Freud pour justifier des propos d'une misogynie éhontée.
Quelques explications s'imposent. La théorie Freudienne de la séduction est une des bases de la psychanalyse. A un moment Freud a découvert que beaucoup de femmes hystériques racontaient des vécues d'agressions sexuelles dans leur enfance qu'elles auraient ensuite refoulées. Il parle de théorie de la séduction dans le sens où un adulte (le père ou une figure masculine de la famille) aurait eu des mots et/ou des gestes de nature séductrice auprès d'enfants. Freud désigne également cette théorie par le terme de neurotica. Vers l'adolescence/début de l'âge adulte, ce traumatisme reviendrait à la mémoire des femmes et causerait leur hystérie. Quelques années plus tard, il abandonne la neurotica parce qu'il pense que vu le nombre de patientes ayant subit ce type d'abus, c'est trop systématique pour que ce soit vrai et ça doit être un évènement "fantasmé" et pas un évènement qui s'est réellement passé. En gros.
En vérité c'est beaucoup plus compliqué que ça et Freud n'a pas nié la réalité de l'ampleur du phénomène des agressions sexuelles sur des enfants. Mais passons.
Donc Monsieur le psy essaye de dire que les féministes sont des hystériques pathologiques qui fantasment des agressions ou du harcèlement sexuel. Ce n'est pas juste moi qui interprète, regardez, il persiste et signe (et reprenez une bone louche de condescendance au passage) :
Voilà, donc s'ils vous plait, faites un peu des efforts, restez corrects avec les cons et essayez de les comprendre, merci.
J'obtempère sur la tentative de compréhension. On a établi plus haut que selon monsieur les "féminazies" souffrent d'hystérie et inventent donc les violences dont elles seraient victimes.
Mais alors il n'y aurait pas de femme victime de violences ?
Bon sang mais fais pas semblant d'être conne, me répondrait-il sans doute. Bien sûr qu'il y a des vraies victimes et des bonnes féministes. Les vrais victimes et les bonnes féministes sont celles qui ne dénoncent pas ces violences, celles qui laissent des politiciens qui n'ont pas d'utérus et qui harcèlent leurs collègues féminines sexuellement, décider pour elles si elles peuvent avorter ou pas, si elles sont victimes de sexisme ou pas, etc.
Voilà, c'est pas compliqué en fait, pour ne pas être une "hystérique 2.0" il faut juste encaisser en fermant sa gueule. Prenez des notes mesdames.
Rien à ajouter ? ah si.
Alors je les vois surtout comme des casse-couilles hystéro, souvent pétasses culturo-mondaines dénuées d'humour, qui refusent la femme en elles (d'ailleurs souvent elles n'ont pas d'enfant, voire sont « herbivores »). Des emmerdeuses plus misandres que féministes qui, loin de revendiquer l'égalité, veulent inverser la « dominance ».
Hystériques, ça ok, on a compris. Quoi d'autre ?
Pétasse = Femme vulgaire, facile et prétentieuse.
Culturo-mondaine = je suppose que ça veut dire éduquée et de la classe moyenne/supérieure
Dénuée d'humour = alors ça je vous renvoie à un article précédent sur l'humour d'un point de vu psy parce que je vais pas refaire le débat.
Des emmerdeuses = Personnes agaçantes, qui emmerde les autres.
Misandres = inverse de misogyne
Qui refusent la femme en elles = ah là je crois qu'on tient quelque chose qui ne relève pas de l'insulte gratuite contrairement aux qualificatifs précédents.
Qui refusent la femme en elles... Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
"D'ailleurs souvent elles n'ont pas d'enfants". Aaaah, donc un élément qui témoignerait qu'on refuse la femme en soi serait apparemment de ne pas avoir/vouloir d'enfant. Donc accepter d'être une femme c'est accepter que notre nature est de faire des enfants. Très bien.
"Voire sont herbivores". Là j'avoue que je ne vois pas le rapport, mais apparemment ça a l'air d'être aussi un problème de vouloir protéger les animaux. C'est noté
"Qui loin de revendiquer l'égalité, veulent inverser la "dominance"". Et là j'aime beaucoup l'usage des guillemets pour parler de la dominance masculine qui est visiblement une invention, dit-il après avoir utilisé pas moins de 7 insultes d'une seule traite pour parler de femmes, qui d'après lui souffrent d'une pathologie psychique. Pathologie psychique qu'il est sensé soigner, en tant que psychologue, et non pas dénigrer.
Geoffrey approuve ce message |
Les mêmes qui, étudiantes idiotes utiles du Capitalisme, plutôt que de lutter contre la Loi travail à l'Université, étaient occupées dans le cadre de ce mouvement dans des ateliers bricolages, à faire des petits dessins, des petits collages et des banderoles pour lutter contre la domination masculine, remplaçant la lutte des classes par la lutte des sexes.
Encore une fois, il insiste, la domination masculine est une illusion, même si on parle de femmes a priori intelligentes (puisqu'elles sont étudiantes parait-il) comme si elles étaient des enfants et en les traitant d'idiotes car elles se trompent de combat (un grand classique).
Qu'elles se rassurent, la domination patriarcale est de plus en plus remplacée par celle du Marché. Bientôt il n'y aura plus ni hommes ni femmes, seulement des Consommateurs/trices (ha ha).
Et bien merci mille fois pour cette analyse sociétale brillante et légère, "ha ha".
Bref au delà de toutes ces incohérences, et tentatives d'humour mises à part, ce genre de commentaire me fait surtout rire très, très jaune car il s'agit de vrais propos prononcés par un vrai psychologue. Un psy qui utilise l'étiquette d'hystérie pour insulter et dénigrer des personnes. Un psy qui pense qu'une vraie femme c'est fait pour avoir des enfants. Un psy qui trouve que si tu es victime de viol ou de harcèlement et que tu en parles tu es une emmerdeuse castratrice. Un psy qui, lorsqu'il se trouve en désaccord avec des femmes et collègues, les rabaisse, les humilie, les traite d'idiotes et remet en question leurs compétences professionnelles.
Et on va me dire que ça ne fait pas de lui un mauvais psy ? permettez moi d'en douter.
Je vous laisse sur le dernier commentaire qu'il a écrit et qui ne manque pas d'hypocrisie. Je ne le commenterais même pas tellement c'est affligeant.
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