Commençons les joyeusetés avec une question
qui me pose problème depuis que j’ai commencé mon stage (donc depuis quelques
mois) : La présence du slut-shaming dans un cadre thérapeutique. Le
slut-shaming est un ensemble d’attitudes agressives, stigmatisantes,
culpabilisantes, humiliantes (etc) envers les femmes, concernant leur
sexualité, leur comportement, leur physique, qui serait jugé trop provocant,
vulgaire. Malheureusement, je me suis aperçue que ce processus se manifeste
chez des professionnels de la santé, des travailleurs sociaux, et même chez des
psychologues, quand bien même il n’a rien à y faire.
(Laci Green, youtubeuse féministe américaine que je recommande à tout le monde car elle est extraordinaire. Voici la vidéo sur le slut-shaming : https://www.youtube.com/watch?v=P-DIeo2HEI8 )
Etant actuellement en 3ème année de
psychologie, je dois réaliser un stage. Par chance, j’ai trouvé ce stage très
rapidement et dans un domaine qui m’intéresse, à savoir, le social. Lors de mon
entretien j’ai mentionné être très intéressée par la question du rapport au
corps. Cela a retenu l’attention de ma (future) tutrice qui avait mis en place
un atelier thérapeutique de danse pour jeunes mères, afin de travailler sur la
question de l’image de soi et du corps. J’ai par la suite été intégrée à ce
projet qui consiste à des cours de danse, suivi d’un temps de groupe de parole,
une semaine sur deux, (les autres semaines étant dédiées à des interventions
extérieures portant sur des questions évoquées plus haut). Les cours sont menés
par une intervenante de formation sociale, s’étant reconvertie dans sa passion
qui est la danse.
Voilà pour le contexte.
Lors de ces sessions de danse, la question de
la vulgarité a été plusieurs fois évoquée par l’intervenante, à chaque fois
pour dire : une femme épanouie est sensuelle, elle ne DOIT PAS être
vulgaire.
Alors déjà, l’injonction « une femme
DOIT/ne DOIT PAS » ne me met pas spécialement à l’aise, pas plus que l’évocation
de la vulgarité et la comparaison « il y a des femmes qui…, mais nous on
n’est pas comme ça ». Mais bon, ne monte pas sur tes grands chevaux de
féministe, me suis-je dis dans un premier temps !
Et puis il y a eu cette phrase :
« non parce qu’il y a des femmes qui vont
te secouer les fesses et les seins dans tous les sens et puis bon ! Après
ça s’étonne que… »
Par où commencer ? oui ! En effet,
« ça » s’étonne que !
Ca s’étonne qu’on puisse sous-entendre que les
femmes désignées comme vulgaires cherche quand même un petit peu à se
faire violer, parce que c’est comme ça que la phrase se termine, assumons
le !
Ca s’étonne qu’une intervenante tienne des
propos de l’ordre du slut-shaming dans un atelier thérapeutique ayant pour but
de déculpabiliser les femmes par rapport à leur corps, à ne pas en avoir honte,
pour but de les aider à se sentir belles, à prendre confiance en elles.
Ca s’étonne qu’on puisse tenir de tels propos
dans n’importe quel contexte d’ailleurs.
Une femme fait ce qu’elle veut. Elle n’a pas à
être sensuelle, même si elle est épanouie. Elle a le droit d’être vulgaire si
ça lui chante, parce que ça la regarde, et parce que quoiqu’il arrive, on est
toujours la-le vulgaire de quelqu’un. D’ailleurs, le concept de vulgarité est
problématique. Il suppose un jugement (voir cet article de Mademoizelle qui
décrypte très bien le concept de vulgarité http://www.madmoizelle.com/vulgaire-reflexion-284848
), or le psychologue n’est pas sensé porter de jugement,
et bien que ces propos n’ait pas été tenus par un-e psychologue, ils l’ont été
dans un contexte thérapeutique. Les professionnel-e-s de la santé psychique ne
sont pas là, en tout cas selon moi, pour donner des injonctions. Elles-ils se
doivent de respecter l’autonomie, le jugement et les choix d’autrui comme le
spécifie le code de déontologie des psychologues.
Me voilà complètement divisée entre la
féministe en moi criant au scandale, et la stagiaire psychologue qui cherche où
est sa place dans ce merdier. D’autant plus que ce n’est pas la première fois
que j’observe du slut-shaming sur mon lieu de stage.
Des propos de ma tutrice de stage, quelques
temps auparavant, pendant une pause déjeuner, m’ont également choquée. La
conversation avec ma tutrice et plusieurs collègues s’était tournée vers la
question de la tenue/mode chez les jeunes filles aujourd’hui, et le risque de
se faire violer. Je passe les exemples de situations personnelles qui ont été
donnés et vous donne le fond du propos, principalement tenu par ma
tutrice : les jeunes filles aujourd’hui s’habillent de façon très
indécente et il est nécessaire que les parents et la société (par le biais de
l’école par exemple) leurs expliquent « ce qu’elles provoquent chez les
hommes en s’habillant de cette façon » #Slut-shaming.
Je finis par laisser tomber le débat (après
avoir convaincue une partie des collègues, hommes et femmes, que l’éducation
des garçons à ne pas être agresseurs serait tout de même plus logique et
judicieuse) puisque cela semblait sérieusement contrarier ma tutrice. Mais au moment
où nous nous apprêtions à retourner travailler, elle me laisse sur cette
anecdote : Deux ou trois ans auparavant, une patiente s’est présentée à
son RDV habillée « comme une pute, les seins à moitié dehors »
(évidemment, ce ne sont pas mes mots). Extrêmement choquée par la tenue de
cette femme, elle demande à son stagiaire (masculin) d’aller faire un tour
pendant cet entretien car elle souhaite parler « de femme à femme ».
Elle m’explique ensuite qu’elle a passé tout le RDV à la sermonner sur sa
tenue, à lui expliquer ce qu’elle renvoyait aux hommes et pourquoi ce n’était
pas possible de s’habiller de cette façon. Morale de l’histoire, la patiente
s’est présentée habillée de manière « respectable » à tous les RDV
par la suite.
Cette anecdote m’a beaucoup posé question en
tant que future (j’espère) psychologue car pour la première fois depuis le
début de mon stage, je me suis dis avec certitude : Je n’aurais pas fais
comme ça. Je ne porte pas de jugement sur ce choix qu’a fait
ma tutrice d’aborder la question de la tenue de cette femme de front. Elle a
une expérience professionnelle que je ne suis même pas proche d’égaler.
Néanmoins, cette façon de faire m’a interrogée : Pourquoi, mettre les
pieds dans le plat (si j’puis dire !) et ne pas aborder subtilement la
question de l’image de soi, du rapport au corps de cette femme lors de
l’entretien ? Qu’est-ce que cela vient dire de son identité, cette façon
de se présenter à l’autre ? Pourquoi ne pas lui avoir laissé la
possibilité de mener elle-même et à son rythme une réflexion sur ces
questions ? La réaction qu’a eu ma tutrice m’apparaît comme un risque
inutile de culpabiliser cette jeune femme et de lui donner l’impression que son
corps devrait être source de honte et caché, bien que cette dernière ne l’ait
peut être pas du tout vécu comme ça.
Comme le dit très bien l’une de mes professeur-e-s,
être en désaccord avec son-sa tuteur-rice est bénéfique car cela permet de se
construire une identité professionnelle. A titre personnel, j’en retire donc
quelque chose de positif.
Cependant, je suis dérangée par le fait que le
slut-shaming soit présent dans un contexte où on attend bienveillance,
non-jugement et empathie de la part des professionnels.
Encore une fois, voici la preuve qu’il existe des inégalités même face aux soins psychiques, et il me semble nécessaire que les psychologues actuel-le-s et en devenir mènent une réflexion sur le sexisme ordinaire et sur tout ce que nous avons intégré du patriarcat afin d’atteindre les valeurs tant revendiquées par notre code de déontologie.
(Suite et fin de l'histoire ici)
Encore une fois, voici la preuve qu’il existe des inégalités même face aux soins psychiques, et il me semble nécessaire que les psychologues actuel-le-s et en devenir mènent une réflexion sur le sexisme ordinaire et sur tout ce que nous avons intégré du patriarcat afin d’atteindre les valeurs tant revendiquées par notre code de déontologie.
(Suite et fin de l'histoire ici)
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