Depuis quelques temps, vous avez
peut être entendu parler de cette pratique du « stealthing ». Pour
celles et ceux qui ne savent pas, le stealthing est le fait de retirer le
préservatif pendant un rapport sexuel, sans prévenir son/sa partenaire.
Ce phénomène fait le buzz pour deux raisons. La première, c’est qu'il a été nommé pour la première fois (par Alexandra Brodsky), et le fait de nommer une pratique permet de libérer la parole. On constate tout à coup que c'est arrivé à beauuuucoup de gens. La deuxième raison du buzz c’est que cette pratique a été qualifiée de viol par la justice en Suisse.
Au cas où vous auriez envie de
contester cette appellation, je vous remets la définition du viol :
“Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.”
Quand on a donné son consentement pour du sexe
AVEC un préservatif on ne l’a pas donné pour du sexe SANS préservatif. Le retirer sans prévenir constitue un
élément de surprise. Une pénétration par surprise, c’est un viol.
(Le consentement expliqué simplement)
C'est un Français qui a été condamné pour viol, en Suisse, suite au stealthing
imposé à son coup d'un soir. La jeune femme a dû par la suite suivre un traitement
préventif contre le sida pendant 4 mois, sans compter le risque des autres IST
et le risque de grossesse. Au
regard du stress occasionné et du fait que le consentement de cette personne
n’a pas été respecté, la justice
a décidé qu’il s’agissait bien d’un viol.
Cette accumulation d’article sur le stealthing
m’a forcée à me remémorer que j’en ai fait l’expérience moi aussi il y a
quelques années.
Septembre 2012, mon copain de l’époque déménage
dans une autre ville pour ses études et je viens le visiter quelques semaines
plus tard pour un week end. Cela fait 4 mois qu’on est ensemble et je commence un
peu à me poser des questions sur son comportement parfois, mais je met ça sur
le compte d’un décès dans sa famille.
Quelques éléments de contexte qui seront
importants pour la suite : On avait plusieurs fois pratiquer cette bonne
vieille « méthode du retrait » lors du sexe sans que je ne prenne
aucune contraception hormonale ou qu’on n’ait fait de dépistage, ni l’un ni
l’autre. C’est probablement la chose la plus STUPIDE que j’ai fais de ma vie,
après être sortie avec ce gars. Evidemment au bout d’un mois et demi je me suis retrouvée totalement paniquée à l'idée d’être enceinte. J’ai finis par avoir des règles ultra
douloureuses (au point de tomber par terre et de ne plus pouvoir me relever) et j’ai appris plus tard par mon
médecin que c’était sans doute une fausse couche très précoce (genre 3 semaines
de grossesse). Suite à ce stress de malade, j’ai dis à mon copain
que je ne voulais plus qu’on prenne de risque.
Revenons-en à nos moutons. On est en septembre 2012 et je viens passer un week
end chez mon copain que je n’ai pas vu depuis un moment, en me disant que ça va
être sympa même s’il doit travailler. Aux innocents les mains pleines.
On parle peu, il fait une première pause pour
baiser (pas d’autre mot), puis une deuxième où il me balance tranquillou : « Je vais faire des lessives je reviens dans une heure, t’as
qu’à faire la vaisselle le temps que je revienne. Bah quoi t’as rien d’autre à
faire non ? » .
(Ma réaction)
Je commence à me dire qu'il n'a pas compris que je n'étais pas venue pour le soulager sexuellement et domestiquement, mais passons. Il rentre et m'informe (il ne me demande pas hein, il m’informe),
qu’on va à une soirée chez quelqu’un de sa promo le soir même. Parce que c’est
vraiment ses potes que je suis venue voir hein, ça va de soi. Mon optimisme est à toutes épreuves, je me dis que puisqu’il veut se conduire comme un con peut être que
ses potes seront plus amusants. A peine arrivés on se lance
avec tout ce beau monde dans un « J’ai déjà/Je n’ai jamais ». Notre
hôte et moi-même animons un peu la soirée avec nos anecdotes sexuelles respectives et je bois, je
bois, je bois. Mon copain, rapidement jaloux qu’on me trouve plus divertissante que lui,
fini par me traiter de nymphomane devant tous ses amis (« oh ça vaaaaa
rigole ! »).
Je bois encore un peu plus pour oublier que mon mec est quand même un beau connard "ce soir", et on fini par rentrer.
Une fois arrivés, il est d’humeur pour du sexe. Moi bon, bof on ne va pas se
mentir, surtout que je déteste faire ça quand je suis alcoolisée. Mais j’ai l’impression qu’il
veut un peu se faire pardonner de son attitude donc je consent et je sors un préservatif.
Il éteint les lumières… Les choses sont sur le point de finir, et là il se
retire. Dans mon esprit une petite alerte rouge s’allume : je viens de
comprendre qu’il n’avait pas de préservatif. Je rallume la lumière :
-
Putain ! On avait mis une capote
non ???
-
Ouais mais je l’ai enlevée, je
sentais rien avec.
-
… mais… t’es sérieux là ??
non mais tu te prends pour qui ? tu m’as même pas demandé !
-
Oh c’est bon tu vas pas me saouler
là. C’est pas la première fois qu’on fait ça c’est bon.
La suite est plutôt floue. Je me souviens de
m’être levée pour m’isoler (dans un 18m2, pas simple). Tout tournait autour de
moi, autant à cause de l’alcool que de ce qu’il venait de faire. J’ai finis par
revenir me coucher parce qu’il se plaignait de la lumière allumée et voilà.
Le lendemain, après une ultime remarque
désagréable, j’ai fini par lâché le fameux « il faut qu’on parle »,
je lui ai dis le fond de ma pensée et puis je l’ai largué.
(Moi aujourd'hui high fiving la jeune moi)
Ca va faire presque 5 ans cette anecdote, et
pendant tout ce temps j’avais un peu mis ça dans un coin de ma tête et refusé
d’y penser, j’ai fait comme si c’était juste un truc de plus sur la liste des
« trucs de connard » qu’il avait faits. Sauf qu’aujourd’hui je n’ai
plus envie d’être dans le déni. Je n’ai certes pas vécu cette expérience comme
quelque chose d’aussi traumatisant qu’un viol (même si légalement on peut dire que c'en est un),
mais je l’ai clairement vécu comme une agression sexuelle. Et aussi pénible que
ce soit pour moi de le reconnaître, c’est un fait : j’ai été agressée
sexuellement par mon copain.
Cette pratique, lorsqu’elle arrive
dans un contexte de relation hétéro, elle est un indice quasi certain que vous
avez en face de vous une personne foncièrement sexiste qui n’en a pas grand
chose à faire de votre consentement et du fait que votre corps vous appartient.
Mon expérience en est la preuve mais je vous invite aussi à lire d’autres
témoignages sur le sujet si vous avez des doutes :
Un expérience proche de la mienne
Un expérience proche de la mienne
(Liste à compléter)
Pourquoi sexiste ?
Premièrement, considérer que son confort
sexuel est plus important que le consentement et la santé de sa partenaire
témoigne d’un vrai sentiment de supériorité. La partenaire est objectifiée (= assimilée
à un objet, donc quelque chose qu’on utilise), et n’est là que pour servir le
plaisir de l’autre. Il y a clairement une relation dominant-dominée qui semble aller de soi pour celui qui fait le stealthing. Il n'y a qu'à voir la réaction après-coup : il semble trouver ça parfaitement normal et c'est moi qui suis désagréable à ses yeux de lui rappeler que j'ai mon mot à dire.
Deuxièmement parce qu’un homme qui pratique le
stealthing dans un rapport avec une femme considère que si elle tombe enceinte
c’est son problème à ELLE et pas le sien. Il s’en fiche que cette femme soit
peut être obligée de prendre une pilule du lendemain ou doive avorter
après-coup. Il s’en fiche qu’elle doive peut être suivre un traitement
préventif contre le sida comme la jeune femme citée plus haut, ou contre une
autre IST.
Cette idée que c’est aux femmes de faire
attention à ne pas tomber enceintes est vieille comme le monde, c’est
d’ailleurs la principale raison au fait qu’il n’y a pratiquement aucune
contraception masculine sur le marché (selon moi). Pourtant on peut tous
s’accorder à dire que pour faire un bébé il faut DEUX personnes, idem pour choper des IST.
Le fait de savoir qu’il s’agit d’une pratique
(en général) sexiste est important pour une raison simple :
Le savoir, c’est identifier plus facilement de qui se méfier. Je
considère personnellement qu’un homme manifestant des signes de sexisme est un
homme à fuir. Pas seulement parce que je suis féministe, mais parce que des
hommes ouvertement sexistes sont plus à risque d’objectifier les
femmes et donc de ne pas respecter leur consentement à un moment donné.
Avec mon copain de l’époque, des indices j’en
ai eu des tonnes. Déjà on voit bien le fait que pour lui c'est normal que je fasse la vaisselle, alors que je ne suis même pas chez moi. On voit aussi que je viens pour le soulager sexuellement, mais qu'il me traite de nympho quand
j’assume publiquement ma libido et ma liberté sexuelle. Il a aussi fait plusieurs fois des remarques sur ma façon de m'habiller, notamment le soir où on s'est mis ensemble : "ça fait un peu pute ton short quand même". Et je vous passe pas mal d'anecdotes (même ma soeur n'a pas digéré certaines dont elle a été témoin).
Bref, les
deux choses qui devraient vous mettre la puce à l'oreille immédiatement face à un homme de ce type c'est :
1) Le slutshaming (définition ici) : car un mec qui
pense que certaines filles cherchent un peu à se faire violer, c’est jamais
bon signe. Exemple avec mon ex :
(Avant qu’on soit ensemble)
2) La culture du viol (définition ici). Parce
que quelqu’un qui trouve que ça serait simple si pour pécho il suffisait de
forcer les gens, ou qui trouve que le viol c’est trop lol, c’est encore moins bon signe. Exemple encore avec mon ex :
(Celle ci date aussi d'avant qu'on se mette ensemble)
(Et celle ci d'après qu'on se soit séparés. On sent qu'il s'est bien remis en question hein ?)
Méfiance donc, si vous entendez ce genre de remarques...
(Voilà, même notre Président tout neuf s'engage à vous épargner ça)
Donc, chèr-e-s personnes qui ont vécu la même chose que moi (ou pire), dites vous bien une chose : c’est inacceptable. Celui qui vous a fait subir ça n’est pas « un connard » mais un agresseur
sexuel et potentiellement un violeur, et vous méritez mieux.
Heureusement, cet ex m’a permis de comprendre que vouloir un partenaire qui AU
MINIMUM respecte mon consentement et me traite comme son égale ce n’est pas
« être difficile », c’est être féministe.
Cher Ex, si par un heureux hasard tu lis cet
article tu devrais te reconnaître. Je ne vais pas te dire merci non plus, car j’ai cru comprendre que tu n’avais pas
changé, au contraire. Je te salue donc et t’invite à bien aller te faire voir.
Cher Amoureux, merci d’être un million de fois meilleur que ça et plus encore, merci
pour ta gentillesse et ta douceur, merci d’être un vrai allié féministe, et merci de trouver que c'est NORMAL et que ça devrait être une évidence pour tout le monde.
Cher Papa, merci de m’avoir fait comprendre qu’être un homme doit toujours rimer
avec être respectueux et bienveillant. Merci de m’avoir fait placer la barre suffisamment
haut.