Quand tes proches votent à Droite...

Quel est le problème de voter à Droite en France aujourd'hui ? Le problème c'est que la seule Droite qui nous est proposée actuellement est extrême, même chez les Républicains. Evidemment tous les partis de Droite proposent des choses très différentes dans leurs programmes respectifs. Mais quel est leur point commun à tous ? Le racisme, le sexisme, l'oppression des minorités. 

Que mon grand-père décide de voter à Droite parce qu'il est riche et ne veut pas payer l'ISF, ou qu'un cousin le fasse parce qu'il est agriculteur et que l'Europe est (selon lui) responsable de sa précarité, soit. J'aurais beaucoup de choses à dire contre ces positions, mais ok. On ne sera jamais tous d'accord de toute manière, et ce n'est pas grave. 
Mais actuellement en France, ceux qui veulent mettre fin à l'ISF ou à l'Europe, ce sont les mêmes qui veulent mettre fin à l'immigration, à l'avortement, au mariage homosexuel, et j'en passe. 
Autrement dit, pour obtenir quelque chose qui leur est favorable à eux, il vont voter contre les droits les plus basiques de milliers d'autres personnes. Et là il ne s'agit plus d'être en simple désaccord.


(Ouais, c'est bizarre non ?) 

Donc, quand tes proches décident de voter à Droite... Faut-il en parler avec eux ou "laisser couler" ? 



La coutume est en général de laisser couler. On n'a pas envie de se friter avec le tonton pendant un repas de famille, on n'a pas envie de pourrir l'ambiance, on les voit 1 à 4 fois l'an, c'est pas pour se prendre le choux. Et puis de toute manière ça ne va rien changer donc ça ne rime à rien. 

Oui, mais si je vous dit que ça PEUT changer quelque chose ? 

Il se trouve que dans les années 45-50, avec le début des campagnes électorales très médiatisées, un chercheur en psychologie sociale, Paul Lazersfeld, s'est mis en tête de déterminer ce qui influence vraiment les votes des un-e-s et des autres. Il a donc décidé de discuter avec environ 600 personnes une fois par mois pendant l'année précédant les élections. Il leur a posé plein de questions pour comprendre pourquoi ils/elles comptaient voter comme ça, sur ce qui les intéressaient chez les candidats, où ils/elles avaient chopé leurs infos, et surtout quand ils/elles hésitaient ou changeaient d'avis, il cherchait à comprendre pourquoi. Il demandait aussi aux gens s'ils avaient essayer de faire changer quelqu'un d'avis et si oui comment ils/elles s'y étaient pris. 

Résultats ? 
Chose qu'on sait tous aujourd'hui, notre vote est influencé par notre mode de vie. On sait bien qu'en général on ne vote pas pareil selon notre religion (ou laïcité), notre origine ethnique, notre niveau socio-économique, et notre lieu de vie (ville/campagne). C'est pour ça que les campagnes vont viser des publics précis. 


 (Voilà comme ça, mais en plus subtil) 

L'étude de Lazarsfeld confirme en effet que « les gens votent en groupe (…) les gens qui travaillent ou qui vivent ou qui jouent ensemble tendent à voter de la même manière » (Lazarsfeld et coll., 1944, p. 137). Ce qui impact vraiment la construction de nos opinions ce sont avant tout nos relations interpersonnelles (amis, familles, collègues...) et les groupes qu'on fréquente. Autrement dit, notre vote dépend de qui on s'entoure. 
Par exemple, ce n'est pas tant parce qu'on est riche (niveau socio-économique élevé) qu'on va voter d'une certaine façon, mais parce qu'on fréquente uniquement d'autres personnes riches. Si on est riche mais qu'on fréquente plein de personnes en précarité (par exemple en travaillant dans le social, en faisant du bénévolat...) on ne votera sans doute pas de la même façon. 

La mode adoptée par tout le monde ces derniers temps, c'est de bien taper sur les médias, sur comment ils influenceraient les votes et l'image de tel ou telle personnalité politique. 

Mais contrairement à ce qu'on croit, les médias sont loin d'être tout-puissants en terme d'influence d'opinions. Pourquoi ?
Et bien parce que les personnes qui accordent peu d'intérêt à la politique ne vont pas faire l'effort d'aller se renseigner dans les médias sur ce qui se dit de tel ou telle candidat-e. Et ces personnes sont majoritaires par rapport à celles qui vont réellement aller lire les programmes politiques de plusieurs candidat-e-s (et même d'un-e seul-e) ou écouter/regarder leurs interviews. Alors comment décident-ils/elles pour qui voter ? Principalement suite aux conversations politiques lancées dans leur entourage. 
Tout le monde a dans son entourage des gens qui suivent l'actualité politique (que ce soit par les journaux, par la tv ou encore par des blogs de théories du complot) et qui vont en parler facilement et régulièrement. Lazersfeld nomme ces individus des leaders d'opinion, car il se rend compte que ce sont ces personnes qui, en lançant des discussions sur la politique dans leur entourage, influencent le plus de monde. Les relations personnelles influencent plus efficacement, notamment parce qu'elles sont "psychologiquement plus adaptées à leur cible" (Lazarsfeld et coll., 1944, p. 150). 
Dans un rapport personnel, celui qui a une opinion bien établie peut adapter son argumentaire, repérer les résistances et les contourner, trouver des contradictions… aucun média ne peut cela. (Lazarsfeld et coll., 1944, p. 153-154).


De plus, les médias ne viennent pas tellement former des opinions chez les personnes : 
Ce que fait la campagne « ce n’est pas de former de nouvelles opinions, mais de faire émerger une vieille opinion au-dessus du seuil de conscience et de décision », c’est d’activer des prédispositions latentes et ensuite de les renforcer.

Par "prédispositions latentes", on entend par exemple les angoisses xénophobes, la peur de ce qui est étranger qui peuvent ne pas être consciente. Quelqu'un-e chez qui ces angoisses sont très présentes (même si inconscientes) va s'intéresser aux partis qui s'adressent directement à ces angoisses, quitte à venir les renforcer. 

Autrement dit, les leaders d'opinions, même s'ils/elles sont influencé-e-s par les médias et par les campagnes électorales, ils/elles vont quand même n'entendre que ce qui vient les conforter dans leurs convictions. 




Ils font ainsi office de filtre entre ce qui est diffusé par les médias et ce qui arrive jusqu'aux oreilles de la majorité. 

Bref, cette étude de Lazersfeld semble montrer qu'il peut y avoir un intérêt à ouvrir sa bouche en famille, entre amis, ou au travail. 

Et c'est d'ailleurs ce que se sont dit beaucoup de personnes au Royaume-Uni après le Brexit, et aux USA après l'élection de Trump. Pourquoi je n'ai pas donné mon avis à mes grands-parents sur la sortie de l'UE ? Pourquoi je n'ai pas parlé avec mon père de son envie de voter pour Trump ? On ne peut pas savoir si ça aurait changé les choses mais peut être qu'on peut tenter tant que nous on en a encore l'occasion ? 



Mais si on décide donc de parler avec nos proches qui s'apprêtent à voter contre les droits fondamentaux des minorités, et des femmes, comment s'y prendre ? 


Ne pas rentrer dans un rapport de force

Le pourquoi


Bien souvent, on envisage une conversation politique avec les amis ou la famille comme une engueulade, alors que ça n'a pas à l'être. Pour éviter ça, il ne faut pas se fixer comme objectif de rallier l'autre à sa cause. Déjà parce que ça ne peut pas se faire en une seule discussion miracle, il faut laisser l'autre mûrir les arguments. Ensuite parce que si c'était si simple, quelqu'un-e d'autre pourrait aussi bien passer derrière vous et refaire changer votre interlocuteur-trice d'avis.

Le but à atteindre doit être plus modeste. Par exemple il vaut mieux se dire qu'on va essayer de comprendre pourquoi la personne en face veut voter à Droite et si elle a bien conscience de ce que ça aurait comme conséquences. 

Premier truc à appliquer, qui a d'ailleurs fait l'objet d'un article sur MadmoiZelle, le "Pourquoi". Quelqu'un-e dit qu'il va voter à Droite ? demandez lui pourquoi. Ou alors quelqu'un-e dit quelque chose de raciste, demandez lui pourquoi il/elle dit ça. 

Expliquer à la personne des conséquences directes de son vote sur SA vie et/ ou celles des SES proches qu'il/elle n'avait potentiellement pas anticipées.

(Toi tu vas prendre cher, toi aussi, toi aussi, tout le monde il va prendre cher) 


Une fois que les raisons de cette personne sont éclaircies, on sait déjà mieux si elle a conscience ou non de certaines conséquences sur sa vie qui pourrait ne pas lui plaire. Par exemple on peut expliquer à un-e cousin-e qu'en votant à Droite à cette élection il/elle s'expose au risque de se voir gravement entravé-e dans son accès à l'avortement en cas de grossesse non désirée. Ou à l'inverse si ces personnes ont des enfants, leur dire qu'ils/elles s'avèreront peut être être homosexuel-les en grandissant, et n'auront pas le droit d'avoir des enfants à leur tour si la Droite passe ses lois homophobes. 

Expliquer pourquoi vous vous voterez différemment

Ca suppose évidemment de ne pas donner le millier de raisons pour lesquelles vous ne voterez pas à Droite. 


Il faut simplement donner des raisons claires et courtes, qui vont parler à la personne en face. Aller à l'essentiel sans trop entrer dans la complexité de certains sujets. 
Par exemple pour moi : 

  • Ils/elles sont contre le droit à l'avortement (donc même sans l'interdire, ça va foutre la merde pour y avoir accès)
  • Ils/elles sont homophobes et donc veulent empêcher les couples homos d'avoir les mêmes droits que les hétéros (mariage, adoption, PMA)
  • Ils/elles sont sexistes, et ne vont donc pas lutter contre les potentielles difficultés liées à mon genre que je risque de rencontrer dans ma vie professionnelle et quotidienne (et ils/elles risquent même d'accentuer ces difficultés)
  • Parce que leur politique sociale ne correspond pas à mes valeurs (méritocracie, chacun pour sa gueule vs solidarité, empathie, partage des richesses) 
  • Parce qu'ils/elles ne sont pas tellement portés sur l'écologie
  • Parce qu'ils/elles sont racistes et font du quotidien des personnes étrangèr-e-s ou français-e-s et racisé-e-s un vrai enfer et que je trouve cela inhumain
  • Parce que rétrospectivement la Droite a un peu trop souvent été du mauvais côté de l'Histoire

Déconne pas Philippe !

Suite à cette discussion, votre interloctueur-trice ne changera peut être pas son vote, mais au moins il/elle votera en connaissance de cause. 


(et du coup, ils auront peut être le même Karma que Fillon) 


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